En 2022, la loi Lemoine est venue bouleverser le marché de l’assurance emprunteur, qui était déjà en mutation mais toujours largement dominé par les acteurs bancaires. Un an plus tard, certaines conséquences de cette loi sont déjà visibles et prédisent un bilan contrasté.
Depuis la loi Lagarde en 2010, qui a permis le découplage du crédit immobilier et de l’assurance emprunteur, de nombreuses réformes ont été votées pour ouvrir le marché à la concurrence et étendre le droit à la résiliation pour les consommateurs, notamment la loi Hamon en 2014 et l’amendement Bourquin en 2017.
En 2022, la loi Lemoine, ou loi pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur, est venue compléter ce dispositif législatif en permettant la résiliation infra-annuelle de l’assurance emprunteur et en renforçant le droit à l’oubli pour les personnes présentant un risque aggravé de santé.
Cette loi permet aux particuliers ayant souscrit un crédit immobilier à usage d’habitation ou mixte de changer à tout moment d’assurance emprunteur, sans frais, sous réserve que le nouveau contrat propose des garanties au moins équivalentes au contrat initial.
Concrètement, les emprunteurs, qui optent souvent pour l’assurance proposée par la banque au moment de la conclusion du prêt immobilier pour des raisons de facilité, sont désormais libres de changer d’assurance à tout moment, et plus uniquement à la date anniversaire du contrat. La seule condition à respecter concerne les garanties de la nouvelle assurance, qui doivent être au moins équivalentes à celles de l’assurance initiale. Cette mesure est entrée en vigueur le 1er juin 2022 pour les nouveaux prêts, puis le 1er septembre 2022 pour tous les contrats en cours.
La loi Lemoine prévoit également une amélioration de l’information des consommateurs sur leurs droits et une plus grande transparence des tarifs. Les assureurs doivent afficher le coût de leur assurance emprunteur sur une durée de 8 ans, et notifier chaque année aux emprunteurs leur droit de résiliation. Le non-respect de ces obligations est passible d’une amende de 15 000 € pour les compagnies d’assurance ou établissements bancaires réfractaires.
Depuis le 1er juin 2022, si le montant du prêt est inférieur ou égal à 200 000 € par emprunteur et si la fin du remboursement du crédit intervient avant les 60 ans de l’emprunteur, alors le questionnaire médical est supprimé.
La loi Lemoine inclut des avancées importantes pour les personnes concernées par la convention AÉRAS (acronyme signifiant « s’assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé »). En effet, le délai pour bénéficier du droit à l’oubli pour les pathologies cancéreuses et l’hépatite virale C a été réduit de 10 ans à 5 ans, à compter de la fin du protocole thérapeutique et en l’absence de rechute. Dans ce cas, aucune information médicale relative à ces pathologies ne peut être sollicitée par l’assureur.
Enfin, depuis le 1er octobre 2022, le plafond d’emprunt pour bénéficier du dispositif AÉRAS est passé de 320 000 euros à 420 000 euros par emprunteur pour un prêt immobilier. Le terme des contrats d’assurance doit intervenir avant le 71e anniversaire de l’emprunteur.
Les emprunteurs sont de moins en moins nombreux à faire appel à une délégation d’assurance au moment de la souscription de leur crédit immobilier. Les délais de réponse des banques aux demandes de délégation sont encore trop souvent supérieurs au délai légal (10 jours). De ce fait, les emprunteurs préfèrent prendre l’assurance proposée par la banque pour éviter de ralentir les démarches administratives, tout en sachant qu’ils pourront en changer par la suite dès qu’ils le souhaitent.
En revanche, la loi Lemoine a entraîné une nette hausse des résiliations d’assurance emprunteur, qui atteignent selon le cabinet Actélior près de 3 % des encours contre 1 % auparavant. Les nouveaux acteurs (courtiers grossistes, assureurs externes…) ont ainsi vu leur part de marché augmenter considérablement, boostée par ces demandes de substitutions.
Le fait de faire appel à un assureur externe, en délégation ou substitution, implique une individualisation du tarif selon le profil de risque de l’assuré. Selon le profil, le nouveau tarif peut être très avantageux, par exemple pour les jeunes, ce qui explique l’augmentation des résiliations.
Mais cette individualisation entraîne en contrepartie un surcoût pour des profils d’emprunteurs présentant davantage de risques. C’est notamment le cas pour tous les dossiers qui n’ont plus de questionnaire médical depuis la loi Lemoine. En effet, la suppression du questionnaire de santé pour certains prêts a conduit à une augmentation des tarifs en délégation pour pallier l’incertitude associée. Les établissements bancaires ont, en règle générale, plutôt opté pour un gel de leurs tarifs, mais qui restent malgré tout supérieurs à ceux pratiqués par la concurrence.
Les mesures de la loi Lemoine ont assoupli les conditions d’accès à l’assurance emprunteur pour les personnes présentant (ou ayant présenté) un risque aggravé de santé. Le droit à l’oubli a notamment été renforcé, avec un délai raccourci de 10 ans à 5 ans après la fin du traitement thérapeutique, ce qui a permis une meilleure inclusion des personnes concernées.
La loi Lemoine a permis une meilleure inclusion pour l’accès à l’assurance emprunteur, et donc au crédit immobilier. De plus, la facilitation de la résiliation apportée par la loi Lemoine a entraîné une baisse des cotisations, mais pas pour tous les contrats. En particulier, les dossiers qui n’ont plus de questionnaire médical sont pénalisés.
L’article 11 de la loi Lemoine prévoit la remise d’un rapport par le CCSF (Comité consultatif du secteur financier) deux ans après la promulgation de la loi pour mesurer les effets de l’application de la loi. Un bilan complet sera réalisé début 2024 sur les conséquences de la résiliation du contrat d’assurance emprunteur rendue possible à tout moment, de la suppression du questionnaire de santé et de l’évolution des tarifs et des garanties proposées. Il pourra également inclure des propositions d’ajustements pour réduire les effets négatifs.